Pendant son temps libre, il lui arrivait d'écrire une autobiographie. C'était dans un vieux cahier qu'elle le faisait, souvent elle écrivait sur des bouts de papier et les rassemblait dans ce même endroit. Pour Nora, les mots étaient un remède.

Elle avait laissé ses petits secrets derrière elle en traversant le miroir ...

Voici un bout de ses écrits :

« Mon nom est Shannon Nora, je ne veux plus vivre en Californie, je suis épuisée de cet endroit. La ville où je suis née est devenue un de mes cauchemars.

Je me sens perdue dans la ville que j'ai le plus connu, je n'ai pas l'impression d'appartenir à cet endroit, ni à ce temps-là ... J'aimerais m'en aller. »

C'était les premières phrases qu'on pouvait lire dans ce cahier. Elle est née ici en Californie et a grandi en rêvant qu'un jour elle vivrait dans un endroit plein de princes et de princesses, des magiciens, des dragons, des châteaux ... Où elle ne serait pas forcement une princesse, juste une villageoise, ou peut-être bien une servante. L'important était de vivre dans un endroit féerique.

Elle n’avait jamais eu de problèmes à l’école, tout le monde l’admirait. Elle était le genre de petite femme que tout le monde pouvait envier, elle cherchait à réaliser son rêve silencieusement. Personne dans son entourage n’aurai cru qu’une fille comme elle pouvait avoir de tels rêves enfantins qu’elle chérissait plus que tout, au point de s’imaginer dans de tels endroits, de se faire une place dans un roman qu’elle lisait en créant son caractère de toute pièce. Elle était tantôt paysanne, tantôt servante, souvent guerrière maniant son sabre comme un homme … Physiquement, elle semblait calme et réaliste, mais dans sa petite tête d’enfant elle vivait toute sorte d’aventures.

« Ils sont encore en train de se hurler dessus, j'ai peur on les entend dans tout le village ! On dit que le roi et la reine ne s'aiment plus, je les ai entendus dire qu'ils allaient se séparer. La reine va partir et laisser le roi seul, j'écoutais à la porte vous croyez que c'est vrai, princesse ? »

Elle ne parlait pas de ses problèmes si sérieusement, elle trouvait tout le temps une autre façon d'en parler, elle imaginait tout de façon fictive. Elle jouait le rôle de servante quand elle décrivait les engueulades de ses parents.

Ce qu'elle disait était vrai. Ses parents avaient divorcés, Nora dû rester avec son père, car sa mère ne voulait pas la garder.

Elle pensait que le cauchemar était terminé, mais en fait il ne faisait que commencer.

Vivant paisiblement dans son petit monde à elle, écrivant ses scènes imaginaires sur son petit cahier, elle n'avait jamais réfléchi au monde réel, elle était ailleurs, tout le temps ailleurs. Jusqu'au jour où son père avait trouvé ses écrits. Il s'était moqué d'elle en disant que de telles choses n'existaient plus, que le monde maintenant était différent d'autres fois.

« La preuve, ta mère nous a délaissés tous les deux. Tu sais pourquoi ? Elle ne nous aime pas, ni toi ni moi. »

C'était la dernière discussion qu'elle eu avec son père, jusque là. Il était tout le temps pris par ses livres, il était écrivain, ça doit être de là que Nora avait hérité son amour pour les mots. Lui les aimait plus que tout, Nora restait seule pendant des jours. Même en étant là il était absent pour elle, s'il n'est pas dehors en train de se procurer assez d'argent pour acheter un peu de nourriture et assez de feuilles et d'encre pour écrire, il était en train de froisser des pages qui ne lui plaisaient pas.

Nora le regardait être si loin d'elle. Pour combler le vide que lui laissait son père, elle écrivait. Des phrases qui n'allaient nulle part, des histoires sans fins, des fins sans histoires. Elle écrivait tout ce qu'il lui passait par la tête et à force, elle avait réussi à commencer quelque chose. Les heures passées devant une feuille avaient enfin donné leurs fruits.

Fièrement, elle voulait montrer à son père qu'elle appartenait à son monde. Ce dernier était ivre, comme à chaque fois qu'il n'écrivait pas. Il occupait son temps comme il pouvait sans se rapprocher de sa fille, ce petit être qu'il venait de rejeter. Il s'était moqué d'elle alors qu'elle attendait qu'il l'encourage, la conseille pour avancer. Elle pensait trouver en lui, pour une fois, le père qu'elle cherche encore. Mais c'était bien le contraire.
Elle n’était pas faite de mots, elle n’était pas les mots qu’il avait conçus et qu’il aimait plus que tout dans ce monde. Elle n’était qu’une pauvre petite humaine.
Fatiguée, désespérée, elle a jeté ce qu’elle avait entamé et se renferma à jamais sur elle-même,  ne profitant des mots que des livres qu’elle lisait. Elle avait abandonné d’écrire, en voyant son père, elle ne voulait pas devenir un monstre comme lui. Nora est devenue, ainsi, prisonnière de pages blanches qui n’était autre que l’entre d’un autre monde qui lui était moins douloureux.

Un rêve qui ne se réalisera jamais ? Loin de là … Elle avait trouvé la véritable entre du monde dont elle rêvait. Comme Alice au pays des merveilles, elle avait trouvé un miroir qui l’a emmené vers le monde d’Aster.
« Je voudrais quitter la Californie, je veux tout recommencer là où personne ne me connait. »
Sa prière fut exaucée.