Une famille aimante, qu'aurait-il pu désirer de plus ? Il l'avait. Il l'a. Cependant, il est né au sein de celle-ci, et son nom restera à jamais Latoleya. Une famille maudite, bien que descendant de la princesse Airi. Alors, Loyld grandit seul, quelques fois recevant la compagnie de ses cousins, tous trop brillants pour lui, tous trop loin de son cœur. Loyld n'avait que lui. Il se perdit. Oui, il se perdit alors dans les livres. Dans tout ce qui était écrit, dans tout ce qui contenait quelques mots, quelques pensées, et il finit par s'enticher de tout cela. Encore à cette époque, pourtant, il n'était pas rare de voir son visage s'illuminer d'un paisible sourire. Les hommes changent, le temps passe, ainsi va la vie. Et il se renferma sur lui-même, sans vraiment savoir pourquoi. L'étiquette, les fêtes, il n'aimait pas ça. Il ne savait pas quel futur lui était promis, il rêvait d'un autre horizon, d'un autre monde comme celui d'où venait son ancêtre. Ou du moins, ou elle était née. Loyld aurait pu choisir d'être fort, de devenir un homme, un véritable homme. Mais sans doute son caractère ne le permettait pas, si bien que toute la pression qu'on lui mettait sur ses épaules, tout ce qu'il devait faire en tant que Noble toujours entouré, toujours surveillé, finit par le faire sombrer dans ce gouffre qui l’accueillait, qui le faisait devenir celui qu'il allait être. Qu'il est à présent. Il aurait aimé manier ces mots comme personne, leur donner naissance, les modifier, les faire danser. Mais, en tant que représentant de sa famille, d'autres projets l'attendaient. Sans doute prendrait-il la direction d'une armée, sans doute devrait-il veiller à préserver la paix, quoi de plus beau ? Mais Loyld n'utilisait pas ses mots, il ne bougeait que sa langue, que ses lèvres avec une lenteur exquise, une précision surnaturelle. Puis, il finit par ne plus rien prononcer, sans doute comprenait-il que cette obsession n'intéressait que lui, sans doute comprenait-il que toutes ces attentes devaient être comblées, sans doute comprenait-il que ces mots, plus jamais il ne devrait les gâcher pour eux. Puis vint le temps de sa scolarité, ou il ne fit aucune vague, car lui, ne parlait pas, plus, ou pas beaucoup du moins, évaluant qui de ces personnes qui l'entouraient pourraient vouloir entendre ces paroles, ce qu'il avait à dire, ces pensées... Même s'il n'osait jamais s'affirmer. Il fut accepté à Aster, en tant que Noble, en tant qu'un des représentants de sa famille, et encore, se répétait la boucle infernale de ces mots.