Les derniers rayons du soleil avaient déjà disparu à l'horizon lorsque la jeune femme sorti de la réunion. Encore une fois, elle avait été interminable, non pas à cause de sa compétence plus que limitée mais bien car ils étaient tous – les officiers – incapables de se mettre d'accord sur la manière à aborder les choses. Certains voulaient déclarer une guerre, d'autre attaquer sournoisement ... Bref, les nuits futures promettaient encore d'être longue mais ce soir là, la demoiselle avait besoin de souffler. Elle avait pris congé en les laissant se disputer. De toute façon, c'était elle qui prenait les décisions, elle le savait et ne se laisserait pas influencer. L'air de la nuit caressa la peau de son visage et elle leva les yeux vers le ciel. Elle avait promis de faire des traîtres une armée unie. Et ce serait sa tâche première avant même d'envisager de poursuivre l’œuvre de son mentor. Envoyant une énorme bourrasque sur le sol, elle partit du campement. Elle était incapable de voler mais chacun de ses sauts lui donnait l'impression, même éphémère que c'était le cas. Depuis sa plus tendre enfance, elle avait rêver d'un jour voler dans le ciel, mais à défaut d'y arriver, elle préférait s'en approcher le plus possible. L'air, l'élément de la liberté, son élément.

Perdue dans ses pensées, elle ne s'était pas rendue compte de la distance parcourue avant de reconnaître les contours de son ancienne vie. L'académie d'Aster se dressait fièrement devant elle. Quelques lumières aux fenêtres persistaient à luire dans la nuit mais la plupart étaient éteintes. La nostalgie est un sentiment si bizarre qu'il fait parfois faire des choses irréfléchies. Elle savait que c'était risqué de remettre les pieds là bas, mais il en fallait bien plus que ça pour la faire changer d'avis. Elle avait cette sensation, cette intuition que c'est là-bas qu'elle devait être ce soir. Une vague impression ? Peut-être. Mais elle n'était pas le genre de fille à se refuser quoique ce soit. En quelques sauts, elle franchit le mur d'enceinte. Une fois entre ses murs, elle sourit, chacun des recoins, elle les connaissait. Elle se souvenait de toute ses escapades nocturnes. Les réussies comme celles où elle s'était fait prendre, entraînant Hoka dans ses élucubrations à chaque fois. Elle eut un pincement au cœur en pensant à son meilleur ami qu'elle avait lâchement laissé derrière elle sans rien dire, sans même un mot, une lettre. Même si elle ne regrettait rien de son départ précipité et de sa vie actuelle, elle se rappelait à quel point elle avait fuit avant ça toute les responsabilités de sa vie, de son rang ... Elle soupira.

La cours n'avait pas changé d'un poil, impeccablement entretenue par le jardinier qu'elle avait parfois rendu fou à force d'arracher des fleurs sur ses précieux rosiers ou autre. Hope se glissait telle une ombre dans la nuit et continuait son petit tour, pensant toujours à ses souvenirs, elle s'approcha de la serre où elle avait parfois des nuits à regarder la lune, allongé sur un tapis de feuille avec son ami, parlant de tout, de rien. Un mince faisceaux lumineux éclaira son visage et elle sourit. Dire qu'aujourd'hui, la jeune femme naïve fuyant les responsabilités et avide de liberté se trouvait enchaînée au dernier souhait d'un mourant qu'elle avait promis de réaliser. Quelle ironie. Elle avança de quelques pas, ses doigts frôlant l'un des bosquets en provoquant un bruissement de feuilles. Soudain, une voix la tira de ses pensées, une voix masculine porté par le vent. Il ne se trouvait pas loin et elle aurait pu simplement marcher jusqu'à lui, mais la demoiselle avait un goût prononcé pour les entrées théâtrales. Une bourrasque souleva un nuage de terre et de poussière au milieu duquel elle apparut, face à l'homme assis sur le banc. Dans la nuit, elle ne pouvait pour le moment distinguer que sa silhouette tant que le nuage ne serait pas retombé, néanmoins, elle lui répondit d'une voix aussi calme et neutre que la sienne.

♦ Vous dites cela comme si vous pensiez avoir une chance de m'attraper.


Elle avait souligner son propos d'une pointe de mesquinerie. Sûre d'elle ? Sans doute un peu trop. Elle ignorait si il voyait en elle une élève récalcitrante où s'il savait qu'elle ne faisait plus vraiment partie de l'établissement. En tout cas, soit elle ne le connaissait pas, soit, il ne l'avait pas vraiment marqué lorsqu'elle était ici. Scrutant l'obscurité, elle envoya une seconde bourrasque pour faire retomber la poussière plus vite afin de pouvoir observer à loisir son interlocuteur, il l'intriguait. Plus que son air blasé, c'était ses cheveux qui attirèrent son œil en premier. Elle aimait les gens aux cheveux de couleur particulières. Sur ses lèvres apparut soudainement un sourire faussement innocent, finalement, la soirée pouvait s'annoncer plus intéressante que prévu, n'est-ce pas ?

La discussion se poursuivit. Nette, rapide. Pas de longue phrase alambiquée pour ne rien dire. Il semblait de mauvaise humeur, sur la défensive, et la jeune femme en fut presque amusée. Malgré ce vague sentiment de déjà vu, ils n'avaient rien l'un sur l'autre mais la politesse veut que l'on décline son identité avant de demander celle des autres, non ? Elle haussa les épaules et le laissa approcher de quelques pas. Il était plus grand qu'elle, certes, mais la taille ne fait pas la personne, la jeune demoiselle n'en était donc nullement impressionnée. Croisant les bras sur sa poitrine, elle le toisa du regard et se contentât d'un vague silence. L'un comme l'autre, ils se jaugeaient. Cherchant à voir un je ne sais quoi chez l'autre, un signe, un souvenir peut-être ? A moins bien sûr que ce ne soit qu'une impression, chose qu'elle se disait de plus en plus. Sans doute connaissait-elle quelqu'un avec les mêmes cheveux flamboyants ? Ou peut-être que c'était l'air blasé, presque cynique sur son visage qui lui rappelait désagréablement les têtes renfrognées des officiers auprès desquels elle avait pris congé quelques temps plus tôt. Bah, elle n'en saurait probablement jamais rien après tout.

♦ Moi ? Qu'est-ce que ça peut faire ? Vous allez me mettre une retenue peut-être ? Enfin, je m'appelle Hope, si ça peut vous faire plaisir .. D'ailleurs, vous ne me semblez pas totalement inconnu, on se serait déjà rencontrés ?

Susurra-t-elle sur un ton faussement mielleux qui se voulait enjôleur. Oh, n'allez pas croire qu'elle tentait de le draguer ou qu'elle pensait avoir la moindre de l'amadouer, non, elle le devinait bien implacable, du moins en apparence et se voulait juste taquine. Elle resta un moment silencieuse puis lâcha ses bras et observa les cieux d'un œil distrait mais recula quand il fit mine d'approcher encore. S'il y avait bien une chose qu'elle avait apprise, c'est de toujours garder une distance de sécurité envers les inconnus qui semblaient méfiants. On ne sait jamais comment ils peuvent réagir et elle n'était pas d'humeur à en faire les frais. Avec la grosse tête qu'elle avait déjà, elle s'imaginait déjà la pagaille dans les rangs si il venait à lui arriver quelque chose. Néanmoins, elle continuait de l'observer, lui trouvant un air austère qu'elle ne serait qualifié. Elle se demanda s'il était vraiment agacé par sa présence ou bien simplement s'il avait besoin de passer ses nerfs sur la première victime qu'il croisait. Enseignant ou surveillant, elle plaignait les pauvres élèves. Pourtant, il semblait encore assez jeune, ils sont pas censé être cool dans ces cas là ?

♦ Ça tombe bien ! Je ne fais rien justement. Et vous non plus, je me trompe ? Ne faisons rien ensemble. Ce sera plus amusant.

Elle prit son air innocent mais elle se demandait s'il ne le prendrait pas comme une sorte de provocation. M'enfin, qu'importe. C'était mieux de passer pour une jeune fille un peu naïve que pour une fille très nostalgique regrettant presque un passé depuis longtemps refoulé. Un sourire aux lèvres, elle attendait de voir sa réaction. Le truc avec les hommes de son genre, c'est qu'on ne sait jamais à quoi s'attendre en fait. Elle avait du mal à lire dans ses yeux mais elle le voyait plutôt solitaire. Le genre de gars qui ne sourit qu'une fois l'an, et encore, les années bissextiles. Bon d'accord, elle était méchante et elle se dit que ce n'était pas bien de juger un homme à son apparence. Après tout, certains très bon livre ont des couvertures vraiment dégoûtante quand on y réfléchit. A cette pensée, elle se dit qu'elle était un peu injuste avec lui, après tout, il était quand même beau garçon si on y regarde de plus près et il dégageait une certaine prestance. Voyant qu'il tardait à répondre, elle reprit la parole.

♦ Au pire, je veux bien vous laissez seul et vous n'auriez qu'à faire comme si vous ne m'aviez jamais vu.

Proposa-t-elle en dernier recours. Elle ne pensait pas avoir pu vraiment le déranger en faisant bouger quelques feuilles d'un bosquet mais après tout, certaine personne sont extrêmement tatillon, parait-il. Elle-même était plutôt du genre zen et désintéressée mais elle se doutait bien que sa dernière proposition passerait facilement à la trappe auprès d'un homme comme lui. En y réfléchissant, elle le voyait plutôt comme un chien de garde. Enfin, surveillant que comme un enseignant. Elle secoua légèrement ses mèches vertes pour arrêter de suivre le cheminement tortueux de ses pensées, elle n'en savait rien après tout, et elle préférait se préparer à toute éventualités avant de risquer de paraître surprise. Elle aimait se montrer maîtresse de la situation.

Bien sûr qu'il n'allait pas la laisser seule. Ce serait comme laisser la porte d'un poulailler ouverte au premier renard qui passe. Et il va sans dire que les intentions d'un renard dans un poulailler ne sont pas toujours des plus .. Bisounours. Elle sourit en penchant la tête sur le côté. Il ne s'était toujours pas présenter mais elle se rappelait distinctement qu'elle l'avait bien déjà vu. Et c'était peut-être justement lorsqu'elle avait été élève ici. Ce devait être le côté si souriant qui l'avait marqué .. Ironie, quand tu nous tiens. Elle en était maintenant sûre mais se garderait bien de tout commentaire. Elle n'envisageait pas que des anciens élèves puissent ainsi rester cloîtré dans ces murs, même après la fin des études. Mais ceci ça ne la regardait pas, elle préférait de loin poursuivre ses idéaux de liberté. Pour ça, il ne lui fallait pas de murs, pas de règles tirée par les cheveux. Et puis un monde libre et égal, ce serait cool aussi. Elle avait beau être noble de naissance, elle n'aimait pas la plupart de ces snobs riches et sans cervelle. Ceux qui pensent que tout leur ait dû. Raaah. Il fallait pas qu'elle y pense, elle allait encore se mettre en colère et une tornade risquait fortement de la faire repérer. C'est qu'elle était prévisible lorsqu'elle se met en colère, mais vraiment hein.

En l'espace de quelques mots, son interlocuteur avait fait connaître à la demoiselle ce qu'on appelle un parfait ascenseur émotionnel. D'abord agréablement surprise de ne pas être pris pour une élève avec sa bouille enfantine, elle s'offusqua lorsqu'il insinua qu'elle ne pourrait certainement pas être une prof. M'enfin, de toute façon, avoir l'air de rien, ça peut être un atout aussi pour les missions d'infiltrations. Quoique ce soir, son infiltration semblait pour le moins délicate. A la manière dont il se tenait et soupirait, elle devinait qu'il n'était pas vraiment heureux de devoir faire le chaperon pour une inconnue. Mais son professionnalisme avait pris le dessus. Il était clair que ce serait un petit jeu de celui qui supporterait le moins longtemps l'autre. Et même si elle ne doutait pas de ses talents d'emmerdeuse, elle ne le sous-estimait pas. A sa carrure et son allure, elle devinait qu'il était tout aussi capable de la faire tourner en bourrique. Mais bon, peut-être qu'en le caressant dans le sens du poil ?

♦ Il n'y a aucun problème, venez avec moi. Le tour du propriétaire ça vous dit ? J'aimerais bien revoir ma chambre. Je me demande si elle est toujours inoccupée.

Ses derniers mots semblaient plus s'adresser à elle même qu'à lui mais cela lui importait peu. Plus confiante, elle n'imaginait pas cet homme devenir subitement violent et s'approcha donc de lui pour le prendre par le bras et l’entraîner à sa suite vers la serre où elle avait voulu se rendre en premier lieu. C'était aussi un lieu riche en souvenir et elle se demandait si les fleurs qu'elle avait planté étaient toujours là et bien entretenue. Après tout, les orchidées, ça demande des soins vraiment constant et elle craignait qu'elles n'aient pas assez d'espace, d'eau, ou quoique ce soit.

♦ Mais vous me permettrez bien sûr un détour par la serre n'est-ce pas ? Est-ce que c'est toujours le même professeur qui s'en charge ? Un petit homme, un peu dégarni .. Je ne reviens plus sur son nom mais on dirait toujours qu'il est sur le point de rendre son dernier souffle ..

Comme à son habitude, la demoiselle parlait trop et sans même s'en rendre compte, elle soufflait des indices sur son identité et sa vie passée dans l'académie, pas qu'elle en ait spécialement envie mais elle ressentait ce besoin de se confier, même partiellement à un parfait inconnu qui ne pourrait rien juger de ce qu'elle dirait. Ou en tout cas, pas pleinement. Puis, elle était soulagée qu'il ne semblait pas se souvenir de la presse à scandale. C'était encore un point positif pour elle.

♦ Tiens, est-ce que je pourrais connaître votre nom ?

Demanda-t-elle ensuite d'un ton neutre. C'était pour pouvoir lui parler plus librement, au pire, elle pourrait toujours l'affublé d'un éventuel surnom comme .. Capitaine joie de vivre ?